Sujet apparemment banal qui mérite cependant qu’on s’arrête quelques instants pour se demander comment on la regarde.
Pour les spectateurs, il ne s’agit pas de chercher des clés de lecture qui donneraient accès à la compréhension de logiques qui ne sont pas forcément les nôtres. Pina Bausch, par exemple, ne raconte pas d’histoires. Elle répète indéfiniment le geste jusqu’à son épuisement. C’est tout, mais c’est immense.
Il faut donc suggérer une autre façon de regarder la danse qui mobilise notre regard dans la spatialité, celle-là même qui en constitue l’un de ses fondements. Mais aussi dans le détail du geste qui participe à la composition du mouvement, sans avoir à nous demander, une fois le spectacle terminé, ce qu’il y avait à comprendre. Car, au bout du compte, le mouvement ne sera jamais conforme à ce que l’on attendait. Promener son regard partout et simultanément dans tous les endroits et tous les temps du plateau et du corps – y compris ceux où il ne se passe apparemment rien –, cela ouvre notre intelligence à une conscience aiguë qui déplace notre perception en un endroit où le geste devient inaliénable.
Finalement, voir la danse ne consisterait-il pas à mettre tous nos sens en éveil, et pas seulement la vue ? Nous serions alors surpris de l’état de réceptivité peu ordinaire dans lequel nous nous trouverions, une fois passée l’émotion. Daniel Dobbels suggère que « la danse soit vue deux fois ». Ce qui revient à dire qu’il faut la regarder une fois, revisiter ce qu’il en reste, et y construire secrètement notre propre parcours. Qu’est-ce que je vois dans la danse ? Comment je la regarde ? Qu’est-ce que j’y investis ?
Cela implique, côté spectateurs,
une présence active. Et du côté
des chorégraphes, cela suppose
une longue ascèse qui traverse des
tentatives de construction, des états
de déconstruction, ou d’abandon
de ce que l’on a trop bien construit.
C’est seulement une fois franchie
cette étape que le chorégraphe peut
chercher pourquoi il va danser et
ce qu’il va transmettre. Sans doute
livrera-t-il quelque chose qui ne
lui appartiendra plus.
MICHEL VINCENOT
Renseignements et inscriptions
Théâtre Saragosse
Entrée libre - gratuit