Dans la continuité de sa pièce Inês, Volmir Cordeiro présente son premier solo Ciel (2012), dans lequel il éprouve, par une adresse directe au public, les solitudes de celles et ceux que la vie a condamnés à disparaître : ceux que l’on nomme les « marginaux ». Des apparences inquiétantes, des hommes sans nom, des corps misérables et refoulés par l’histoire, honteux et embarrassants, constituent cette parcelle d’humanité à laquelle s’attache le chorégraphe. À partir de la mémoire de mendiants, de paysans, de prostituées et de réfugiés, il tente de danser la vivacité et l’allégresse de ces corps quelconques. Il sculpte, à chaque nouvelle transfiguration, un imaginaire qui ne se fixe jamais et demeure ouvert comme un ciel.
La représentation de Ciel est suivie
d’une sélection de films présentés par
Volmir Cordeiro. Que fait un danseur
lorsqu’il interpelle les spectateurs ?
Il affirme les frontières qui séparent la
scène et la salle tout en les franchissant.
En provoquant interruption, rupture,
cassure, l’interpellation produit un va-et-
vient entre la scène et la salle. Elle
désigne un « entre » qui est le lieu de
la relation entre les humains, le temps
de la représentation.
Cette sélection de documents visuels,
chorégraphiques ou filmiques (Robyn
Orlin, Valeska Gert, Joséphine Baker, Luiz
de Abreu, Marcelo Evelin, Maria La Ribot,
Xavier Le Roy...), repose sur la notion
d’interpellation et témoigne des formes
de relations qui peuvent se nouer entre
danseur et spectateur : par la parole,
le regard, l’attention, l’impact, l’attirance,
la provocation.
Sélection réalisée par Volmir Cordeiro
avec la Nouvelle cinémathèque de la danse.
« Volmir Cordeiro ne craint pas la lumière qu’il laisse pleins feux dans son Ciel constellé d’une multitude de corps siens : magnétique, fantomatique, exhibitionniste, cynique, extatique... De cette présence charnelle hors norme, le jeune Brésilien fait des étincelles, jambes à l’équerre classique et buste rabougri, visage transfiguré par le jeu de masques successifs, yeux d’animal fou ourlés de paillettes fixés sur les spectateurs, torero sans taureau qui fend l’arène à toute allure... » ZIBELINE, JANVIER 2014.
Production déléguée Margelles / Margot Videcoq / Avec le soutien du master Essais de l’école supérieure du CNDC d’Angers, direction Emmanuelle Huynh.
Dans la continuité de sa pièce Inês, Volmir Cordeiro présente son premier solo Ciel (2012), dans lequel il éprouve, par une adresse directe au public, les solitudes de celles et ceux que la vie a condamnés à disparaître : ceux que l’on nomme les « marginaux ». Des apparences inquiétantes, des hommes sans nom, des corps misérables et refoulés par l’histoire, honteux et embarrassants, constituent cette parcelle d’humanité à laquelle s’attache le chorégraphe. À partir de la mémoire de mendiants, de paysans, de prostituées et de réfugiés, il tente de danser la vivacité et l’allégresse de ces corps quelconques. Il sculpte, à chaque nouvelle transfiguration, un imaginaire qui ne se fixe jamais et demeure ouvert comme un ciel.
La représentation de Ciel est suivie
d’une sélection de films présentés par
Volmir Cordeiro. Que fait un danseur
lorsqu’il interpelle les spectateurs ?
Il affirme les frontières qui séparent la
scène et la salle tout en les franchissant.
En provoquant interruption, rupture,
cassure, l’interpellation produit un va-et-
vient entre la scène et la salle. Elle
désigne un « entre » qui est le lieu de
la relation entre les humains, le temps
de la représentation.
Cette sélection de documents visuels,
chorégraphiques ou filmiques (Robyn
Orlin, Valeska Gert, Joséphine Baker, Luiz
de Abreu, Marcelo Evelin, Maria La Ribot,
Xavier Le Roy...), repose sur la notion
d’interpellation et témoigne des formes
de relations qui peuvent se nouer entre
danseur et spectateur : par la parole,
le regard, l’attention, l’impact, l’attirance,
la provocation.
Sélection réalisée par Volmir Cordeiro
avec la Nouvelle cinémathèque de la danse.
« Volmir Cordeiro ne craint pas la lumière qu’il laisse pleins feux dans son Ciel constellé d’une multitude de corps siens : magnétique, fantomatique, exhibitionniste, cynique, extatique... De cette présence charnelle hors norme, le jeune Brésilien fait des étincelles, jambes à l’équerre classique et buste rabougri, visage transfiguré par le jeu de masques successifs, yeux d’animal fou ourlés de paillettes fixés sur les spectateurs, torero sans taureau qui fend l’arène à toute allure... » ZIBELINE, JANVIER 2014.
Chorégraphie et interprétation Volmir Cordeiro / Crédit photos Laurent Friquet
Ciel – troublante mise en partage d’imaginaires
Volmir Cordeiro vient perturber cet ordre quelque peu formaliste de la programmation. Ses
apparitions ponctuent le festival, y introduisant une nécessaire part de trouble. Il y a dans
sa proposition des références qui s’imposent au premier abord comme une évidence, se
superposent rapidement par la suite, glissent et s’effacent, se consomment. Il y a surtout une
part incompressible de débordement. Les repères se brouillent, les figures se mélangent,
hybrides, inachevées, actives, car en perpétuelle mutation. « J’ai un autre en moi que je
n’ignore pas. Je m’approprie cet autre corps, physiquement étrange, et je reconnais une
parenté inquiétante qui me lie à cet autre », concède le chorégraphe. Volmir Cordeiro sait
activer des poches insoupçonnables d’imaginaire, inscrit sa danse dans des configurations
mouvantes.
Son côté solaire s’impose avec éclat dans la prairie brodée des tilleuls près du lac de
Combourg. L’espace est pourtant, de par ses dimensions mêmes, difficile. L’artiste y déplie
ses cartographies ouvertes. Le Ciel donc, titre de la pièce, comme « déploiement infini
qui embrasse tout. Il ne privilégie rien, aucun moment, aucun être ». Pourtant sa danse
est avant tout adresse. « S’adresser aux autres avec chaque partie du corps », nous dit
encore le chorégraphe. Et c’est peut être ici l’un des secrets de cette qualité si particulière,
reconnaissable entre toutes, de sa danse qui saisit et interpelle, au delà des discours et
images, jusque dans les chairs. Volmir Cordeiro joue sur l’éloignement et la perspective qui
rendent ses apparitions presqu’abstraites, réduit de manière intempestive les distances et
mobilise, fait se déplacer, au moindre battement de cils, une dangereuse charge d’affects.
Inferno Magazine, septembre 2014.
Volmir Cordeiro a une tête pas banale, du genre aigu, échevelé, un rien faunesque. Une tête
perchée au bout d’un corps très grand, (trop ?), efflanqué, avec toujours un air de pencher
vers le déséquilibre. Quand il s’engage sur le plateau pour son solo Ciel, Volmir Cordeiro
ne porte qu’un justaucorps qui s’arrête aux genoux, dans un tissu très fin, ouvragé, et quasi
transparent. A travers quoi, on voit tout (entre autre : son sexe).
Voilà un nu qui n’est pas nu, plutôt décoré, un brin fantaisiste, peut-être ironique. Et voilà
un visage en vigie, en proue, vaguement fulminant. Tout cela très adressé, en plus d’exposé.
Volmir Cordeiro est avec un public, fait face, affiché de son corps. Entre sexe et cerveau,
un axe se projette, avec vibré de roseau affolé. Mais alors, entre le deux ? De quoi donc,
ce corps ? Ce corps tout entier. Puisque ici tout est très penché, tiré dans du déhanché
en freeze au bord du précipice de soi, tout en segments, brisures, débordant de l’axe, en
tensions souples d’un dégingandé structuré, maîtrisé, le corps de Volmir Cordeiro est
construit de multiples, de sections, d’éléments.
Et cela blinde, nourrit, articule, une géographie mouvante, jamais terminée, presque éruptive,
où se déposent, se profilent et s’inventent tout ce que peut un corps, qu’on ne sait jamais
; et qui réside plutôt dans ce que peut un regard sur un corps, qui emprunte, mais traverse
et transgresse, cette ligne souple, énigmatique, jamais saisie, reliant ce sexe et ce cerveau,
d’un corps. Ce corps. Volmir Cordeiro malmène, désaxe et distord cette ligne que le mental
abstrait, habituellement droite, verticale, pour entretenir l’ordre symbolique, du bas vers le
haut, entre sexe et cerveau.
Volmir Cordeiro est brésilien. Il a longtemps dansé dans la compagnie de Lia Rodrigues.
Volmir Cordeiro compte parmi ces jeunes performers auteurs passionnants, qui s’ébrouent
au sein de la formation-laboratoire Essais du CNDC d’Angers, aujourd’hui stupidement
condamnée. Volmir Cordeiro présentait Ciel au Quai à Angers, alors que Lia Rodrigues et
tous ses danseurs montraient, eux, leur dernière pièce, Piracema. Echo direct du précédent
Pororoca, le mouvement profond de Piracema consiste à dégager un grand principe discret, mais implacable, de vaste parcours obstiné en carré tout autour de l’aire scénique. Cela,
imperturbable et puissant, alors que les mouvements des danseurs, constamment effondrés,
repris, remballés, sont de ceux, en proie au doute, qui s’engagent pleins de vigueur, mais se
gardent de s’imposer.
Dans cette tension, on retrouve une qualité « brésilienne » contemporaine, qui cultive
la déconstruction des attendus de la représentation spectaculaire chorégraphique – et
cela dialogue très fort avec nos regards des années 1990-2000 – sans pour autant que
l’investissement des corps paraisse bridé par une injonction intimidante du discours. On
ressent quelque chose du même ordre à l’échelle du solo Ciel de Volmir Cordeiro. Et dans
son magnifique corps mal foutu, on trouve prétexte à une fugace association d’idée avec
l’image que donnait la carcasse de Xavier Le Roy, du temps de Self unfinished et Produit de
circonstances (1998 et 1999).
Sauf que, ainsi qu’on a déjà pu l’exposer dans ces colonnes, ces deux pièces emblématiques
voyaient l’artiste français montrer ce corps pas possible au regard des canons de la danse qui
danse, alors faire espérer les possibles d’une danse toute autre, pour finalement se rabattre
sur un genre de devoir de la démonstration intellectuelle prévalante et obligée. Il en découla
mille choses excellentes. Mais l’option de Volmir Cordeiro, aujourd’hui autre, nous entraîne
très fort, dans une échappée qui carbure entre le sexe et le cerveau. Matière à ébats, à
débattre.
Mouvement.net, Gerard Mayen, janvier 2013.
Présentation
Dans Ciel (2012), le premier solo qu’il signe en tant qu’auteur, Volmir Cordeiro cherche
à éprouver dans une adresse directe au public les solitudes de celles et ceux que la
vie a condamné à affaiblir, disparaître, dérailler. A partir de la mémoire de mendiants,
paysans, prostituées et réfugiés, il tente de danser la vivacité et l’allégresse de ces
corps quelconques qui fêtent l’absence de prétention liée à la conquête d’un nom. Ses
recherches portent sur les représentations des marginaux. Des apparences inquiétantes,
des hommes sans noms, des corps misérables et refoulés par l’histoire, honteux et
embarrassants, constituent une parcelle d’humanité à laquelle Volmir s’attache, dans une
recherche chorégraphique qui vise à complexifier l’exposition des minorités.
Note d’intention
Le ciel est un espace infini qui embrasse tout. Le ciel assure le cours des choses. Le ciel
laisse venir. J’ai choisi ce titre parce que le ciel ne privilégie rien, aucun moment, aucun
être. Du ciel je retiens l’ouverture comme adresse pour cette danse. L’adresse comme lieu
et aussi comme direction. Lorsque je m’adresse, un espace est créé parce que je cherche
à toucher le dehors. Je m’épaissis parce que je suis ici et là-bas. Aller dans la direction
du dehors a déformé le corps. Il est devenu nerveux, désastreux, saturé. Dans cette danse
d’adresse, le corps est resté peuplé ; si peuplé, il est resté, qu’il écrit sa danse en pensant
qu’il est un corps quelconque. Laisse-moi te regarder spectateur, laisse-moi te raconter
qu’un jour j’ai eu toutes les idées.
Le ciel est un espace infini qui peut tout abriter. Sans relief ni limite, le ciel ne fixe rien et
ne se fixe à rien. Sa vertu réside dans le fait qu’il garantit le déroulement des choses, il leur
permet d’exister et fluidifie leur continuité.
Le ciel, par sa présence permanente et en même temps si changeante, est, dans la
construction de cette danse, une toile de fond qui me permet d’amorcer un tas de
possibles/possibilités imaginaires, et je travaille à ne pas générer d’exclusivité afin de ne
pas être prisonnier d’une seule et même idée. Cette attitude m’engage à m’ouvrir vers des
figures vivantes marginales. La recherche chorégraphique se construit sur un changement
constant de positions physiques ingénieuses et l’invention de situations imaginaires qui
obligent une altération de mon corps. Ainsi, ces figures marginales tentent de coexister
dans un seul être.
Cette chorégraphie cherche des états paradoxaux. Comme si plusieurs corps tombaient
du plafond, du ciel, et qu’à chaque chute je tente par le corps de sculpter un nouvel
imaginaire. Ciel est composé d’une multitude de corps : vagabonds, travestis, fêtards,
mendiants, paysans, indiens, rebelles, musiciens de la tropicalia… « J’ai un autre en moi que
je n’ignore pas » ; je m’approprie cet autre corps, physiquement étrange, et je reconnais
une parenté inquiétante qui me lie à cet autre. Ciel questionne et problématise l’exposition
des minorités pauvres et marginales.
L’adresse constitue la formulation du geste du corps vis-à-vis du spectateur. Dans Ciel, je
m’intéresse à la frontalité du geste et aux espaces qui sont développés entre mon corps
dansant et le spectateur. Comment je m’expose au-dehors et au-delà de moi ? L’exigence
de la danse pour Ciel est d’amener mon corps vers le public tout en acheminant ma quête
d’un autre corps.
Volmir Cordeiro