Depuis sa première pièce, Not about everything (2007), où danse et discours sont soumis à l’épuisement d’une course effrénée, le chorégraphe Daniel Linehan creuse la relation entre parole et mouvement : ça parle, ça saute, ça chante, ça crie, ça court, ça vocalise – dans un joyeux mélange minutieusement orchestré. Pour dbddbb (prononcer « dibididibibi »), les cinq interprètes se laissent entraîner par les consonances syllabiques d’une langue absurde qu’ils scandent, sur le modèle des performances vocales dadaïstes. Sur scène, des dizaines de barres métalliques pendues au plafond — une vingtaine d’entre elles chaussées de baskets — composent un décor en forme de carillon géant, à la surface duquel miroitent les éclairages. La structure quadrillée de la marche se met à onduler et à vibrer avec les voix des danseurs, continuellement bouleversée, conduisant à des conjonctions paradoxales. Jouant avec le non-sens, dbddbb segmente la réalité pour mieux la comprendre et en ré-articuler les morceaux dans un puzzle sonore inédit.
« Entre démonstration humoristique de l’insignifiant et formalisme ludique de la chorégraphie, la dernière création de Daniel Linehan suscite l’intérêt du public pour le jeu expérimental et le plaisir gratuit pris à la forme esthétique. » Florian Gaité, parisart.com, janvier 2016.
Depuis sa première pièce, Not about everything (2007), où danse et discours sont soumis à l’épuisement d’une course effrénée, le chorégraphe Daniel Linehan creuse la relation entre parole et mouvement : ça parle, ça saute, ça chante, ça crie, ça court, ça vocalise – dans un joyeux mélange minutieusement orchestré. Pour dbddbb (prononcer « dibididibibi »), les cinq interprètes se laissent entraîner par les consonances syllabiques d’une langue absurde qu’ils scandent, sur le modèle des performances vocales dadaïstes. Sur scène, des dizaines de barres métalliques pendues au plafond — une vingtaine d’entre elles chaussées de baskets — composent un décor en forme de carillon géant, à la surface duquel miroitent les éclairages. La structure quadrillée de la marche se met à onduler et à vibrer avec les voix des danseurs, continuellement bouleversée, conduisant à des conjonctions paradoxales. Jouant avec le non-sens, dbddbb segmente la réalité pour mieux la comprendre et en ré-articuler les morceaux dans un puzzle sonore inédit.
« Entre démonstration humoristique de l’insignifiant et formalisme ludique de la chorégraphie, la dernière création de Daniel Linehan suscite l’intérêt du public pour le jeu expérimental et le plaisir gratuit pris à la forme esthétique. » Florian Gaité, parisart.com, janvier 2016.
HIATUS COMPAGNIE / CONCEPTION ET CHORÉGRAPHIE DANIEL LINEHAN / CRÉATION ET INTERPRÉTATION MARCUS BALDEMAR, ANNELEEN KEPPENS, LIZK INOSHITA, DANIEL LINEHAN, VÍCTOR PÉREZ ARMERO / REGARD EXTÉRIEUR MANON SANTKIN / SCÉNOGRAPHIE 88888 / CRÉATION LUMIÈRES JAN FEDINGER / CRÉATION COSTUMES FRÉDÉRICK DENIS / COORDINATION TECHNIQUE ELKE VERACHTERT / crédit photos Daniel Linehan & Jeroen Verrecht
Dans cette dernière aventure, le jeune chorégraphe américain se révèle comme jamais l’héritier de la
danse new-yorkaise, de Cunningham à Trisha Brown, tant il use ici de combinaisons difficiles comme de
mouvements plus relâchés. Il s’appuie sur une partition vocale jouée par les danseurs où l’on reconnaît
l’esprit Dada. Car de l’onomatopée scandée comme des questions par les interprètes, Linehan fait la
réjouissante bande-son de son spectacle. « Omni omni omni/Patsu patsu patsu »... Est rabroué celui qui
croit y reconnaître un peu de latin : non, aucune langue n’est identifiable dans ces syllabes ! Linehan a
toujours cherché à jouer avec les contraintes. Cette fois, sa promesse est plus simple mais plus
spectaculaire : ces corps-voix formant un tout sont de magnifiques présences. Il invente avec eux un
ballet contemporain très original, fondé sur toutes les façons de marcher ou de courir (le décor est un
mobile suspendu de tiges inégales d’où pendent des baskets ressemblant à celles des interprètes). Il y
compose des figures inattendues, y conjugue rassemblements et parcours solitaires. Linehan et ses
quatre compères développent au fond un art de la danse en continu, complexe et drôle, dont on ne sait
quelle est la source : le souffle-son du danseur ou la trajectoire visée par celui-ci, contenant en elle sa
propre détente ?
Emmanuelle Bouchez, Télérama, janvier 2016.
La pièce de Daniel Linehan titrée, dirait-on, par tirage aléatoire de consonnes dentales et labiales,
dbddbb, découverte mi-janvier 2016 à Pompidou, est, d’une part, une création digne de ce nom, de
l’autre, un spectacle “vivant”, le plus sérieusement interprété par l’auteur et ses doubles, le quatuor
polytechnicien formé par Anneleen Keppens, Liz Kinoshita, Marcus Baldemar et Victor Pérez Armero. Cela
démarre dans la pénombre, par le doux balancement d’un métronome lumineux et muet annonçant celui
du corps d’un ballet réduit à l’essentiel, ainsi appelé à s’animer, sous les épées de Damoclès d’un décor
mi-Op, mi-cinétique, mi-bar chimes, designé par des disciples de Soto ayant pris pour nom de pinceau
88888 complété par l’hyperréaliste girouette de deux séries de godillots – dix-sept en tout, si notre
compte est bon, huit paires plus une, la part du pauvre, d’un cygne monopède ou d’un canard boiteux –
fixant les points cardinaux et rappelant que nous sommes dans l’univers d’un Petipa, d’un Millepied, d’un
Noé Soulier. Cela démarre et ne s’arrêtera plus, ou presque, une heure vingt durant. Vêtus de collages
textiles confectionnés par Frédérick Denis suivant le principe d’asymétrie inauguré dans les Années folles
par Paul Colin pour de brèves culottes et des tenues légères scéniques de Joséphine Baker,
industriellement appliqué au milieu années 80 par Thomas Meyer, maquillés de tatouages et de lignes
colorées, différents les uns des autres en même temps que terriblement élégants, les virtuoses danseurs
s’avèrent être aussi des maîtres chanteurs. Les individualités se fondent dans une danse chorale, qui va
de la course en manège à la techno parade en passant par le pointing rap, tandis que les voix modulent à
l’unisson des poèmes phonétiques, pour ne pas dire lettristes, inspirés par Tzara, Huelsenbeck ou Janco.
En rythme – tant il est vrai que les danseurs modernes ont pris l’habitude de compter sur eux – et sur
leurs propres forces. À contretemps, également, ne serait-ce que pour montrer que le reste du temps, ils
ne le sont pas... Que manque-t-il donc pour que l’oeuvre opératique dbddbb soit le chef d’oeuvre
immortel escompté ? Pas grand chose, en fait. Plus l’ampleur ? Sans doute. Plus de profondeur et
d’intensité ? Peut-être. Plus d’imprévu ? Il y a des chances. La “boiterie poétique” chère à Cocteau, par la
pompe annoncée ? C’est probable. Toujours est-il que nous avons passé une excellente soirée et que le
spectacle sort de l’ordinaire, si on le compare à ceux des bavards invétérés qui encombrent nos scènes,
aux “perfs” privées d’expression corporelle, aux cabotinages sans entrain ni enjeu à prétention
psychologique, métaphysique ou littéraire, aux tribulations onkriennes d’un New Age hors d’âge. On ne
peut faire du neuf qu’avec du neuf ! dbddbb vaut le déplacement et gagnera, c’est certain, à être revu. Et,
bien entendu... réentendu.
Nicolas Villodre, ladanse.com
Une marche, quelle qu’elle soit, prend souvent place dans un lieu à l’apparence grillagé, un endroit rectangulaire avec
une rigidité tridimensionnelle (comme dans un boulevard urbain). Cependant, dans cette pièce, le côté rectangulaire
de l’espace scénique sera modifié par la position asymétrique des pendrillons, qui couperont l’espace dans des angles
non perpendiculaires et des courbes circulaires. La rigidité tridimensionnelle de l’espace sera coupée par des mailles
de fils tombant du grill et bougeant doucement grâce au vent créé par les déplacements continuels des danseurs à
travers l’espace. Les fils pourront également voler de haut en bas, à certains moments de la chorégraphie, créant une
légère transparence par rapport à la visibilité de la danse. L’éclairage tombera occasionnellement dans la pénombre,
même lorsque la danse sera difficilement perceptible, voire invisible, tandis que nous continuerons à entendre les pas
des danseurs. Ceux-ci créeront une sorte de musique de par le schéma de leur marche sur scène.
Qu’est-ce qu’une “marche”, quand elle perd autant de ces éléments qui lui confèrent ses vertus traditionnelles ? Il n’y
a plus d’uniformité des formes ou des directions ; plus de slogans éloquents clamés ; plus de type de grille
rectangulaire dans l’organisation spatiale. Et il n’existe plus de sens de la rigidité ni de la transparence de l’espace. Au
lieu de quoi, une surface qui semble miroiter et onduler. Une marche qui a été recontextualisée et transformée en une
forme méconnaissable, cela nous renvoie à la question de la façon dont les individus peuvent interagir dans un temps
commun et créer quelque chose de plus large que la notion d’individualité, sans la nécessité d’un accord absolu ou
d’une adhérence stricte à un protocole commun.
Il est tentant de rejeter la marche au pas car elle est désuète, elle manque d’élégance et est inspirée par un code
ancien d’uniformité. Elle n’apporte aucune pertinence sur notre mode contemporain qui prône « l’être ensemble ». Il
en va de même avec l’esprit Dada Ŕ aujourd’hui, où est la pertinence dans ce mouvement artistique de plus de 100 ans
d’âge ? Je pense, moi, que la marche et la poésie dadaïste peuvent resurgir à nouveau. Et si l’on introduit un petit peu
de cet esprit dadaïste dans notre vision de la marche et un petit peu de cette structure de marche dans l’aléatoire du
dadaïsme, alors nous pourrons parler de questions contemporaines et nous interroger sur la façon dont un groupe de
gens peuvent travailler sur un sujet commun et, en même temps, bouger dans la diversité.
Daniel Linehan