Le metteur en scène Fabien Gorgeart adapte le roman de Delphine de Vigan Les Gratitudes. Un parfait équilibre entre incarnation et narration dont il confie le rôle central à la magistrale Catherine Hiegel.
La pièce tourne autour du personnage de Michka, ancienne parolière pour qui les mots étaient la grande affaire. Mais voici que les mots lui échappent, qu’elle perd peu à peu l’usage de la parole. Victime d’aphasie, Michka est placée dans un EHPAD où elle chemine avec deux personnages : Marie, une jeune femme dont elle est très proche, et Jérôme, l’orthophoniste chargé de la suivre. Chacun d’eux éprouve une forme de gratitude à l’égard de ceux qu’ils côtoient, de ceux qu’ils ont croisés. Ménageant un entre-deux subtil entre théâtre et roman, misant sur les effets sonores de Pascal Sangla, Fabien Gorgeart décale le texte et laisse vibrer les dialogues. Après sa mise en scène très remarquée de Stallone d’après Emmanuelle Bernheim, Fabien Gorgeart puise dans l’écriture dynamique de Delphine de Vigan une matière vivante qui nous plonge dans un présent pur. Au vide qui s’instaure à mesure que la mémoire s’efface, la parole oppose sa force de réparation, sa capacité à résonner encore quand se fait le silence.
CRÉATION 2023 — COPRODUCTION ESPACES PLURIELS
Production déléguée CENTQUATRE-PARIS Coproduction Le Méta – Centre dramatique national de Poitiers, Festival d’Automne à Paris, Le Théâtre de La Coupe d’Or - Scène conventionnée de Rochefort, L’Espace 1789 – Scène conventionnée d’intérêt national Art et création pour la danse de Saint-Ouen, Théâtre d’Angoulême – Scène nationale, Espaces Pluriels scène conventionnée d’intérêt national Art et création - Danse – Pau // Avec le soutien du dispositif d’insertion de l’École du TNB et du Centre national de la musique // Projet soutenu par le Ministère de la Culture – Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France // Fabien Gorgeart est artiste associé au CENTQUATRE-PARIS // Ce spectacle est en tournée avec le 104ontheroad // Remerciements Lucie Blain, Cécile Brus, Jacqueline Hiegel, Lara Otto, Sandrine Pfeifer, Manuel Schapira
Le metteur en scène Fabien Gorgeart adapte le roman de Delphine de Vigan Les Gratitudes. Un parfait équilibre entre incarnation et narration dont il confie le rôle central à la magistrale Catherine Hiegel.
La pièce tourne autour du personnage de Michka, ancienne parolière pour qui les mots étaient la grande affaire. Mais voici que les mots lui échappent, qu’elle perd peu à peu l’usage de la parole. Victime d’aphasie, Michka est placée dans un EHPAD où elle chemine avec deux personnages : Marie, une jeune femme dont elle est très proche, et Jérôme, l’orthophoniste chargé de la suivre. Chacun d’eux éprouve une forme de gratitude à l’égard de ceux qu’ils côtoient, de ceux qu’ils ont croisés. Ménageant un entre-deux subtil entre théâtre et roman, misant sur les effets sonores de Pascal Sangla, Fabien Gorgeart décale le texte et laisse vibrer les dialogues. Après sa mise en scène très remarquée de Stallone d’après Emmanuelle Bernheim, Fabien Gorgeart puise dans l’écriture dynamique de Delphine de Vigan une matière vivante qui nous plonge dans un présent pur. Au vide qui s’instaure à mesure que la mémoire s’efface, la parole oppose sa force de réparation, sa capacité à résonner encore quand se fait le silence.
D’après Les Gratitudes de Delphine de Vigan — Mise en scène Fabien Gorgeart — Avec Laure Blatter, Catherine Hiegel, Pascal Sangla — Assistante à la mise en scène Aurélie Barrin — Adaptation Fabien Gorgeart, Agathe Peyrard — Création sonore et musique live Pascal Sangla — Dramaturgie Agathe Peyrard — Scénographie Camille Duchemin — Costumes Céline Brelaud — Création lumières et régie générale Thomas Veyssière — Régie son Romain Pignoux — Collaborateur son Julien Lafosse — Crédit photo Jean-Louis Fernandez
Le Cinéma Le Méliès offre une Carte Blanche à Fabien Gogeart, accueilli pour sa pièce Les Gratitudes. Le metteur en scène et réalisateur présente Le Sourire de ma mère, film italien réalisé par Marco Bellocchio, sorti en 2002. Ernesto, peintre de renom, athée, découvre que sa famille a entrepris en cachette de faire canoniser sa mère défunte. Bellocchio, qui fustige ici l’emprise de l’Eglise catholique dans la société italienne, excelle à plonger son personnage dans une intrigue trouble, quasiment surréaliste. Un polar métaphysique aussi grinçant que drolatique.
En partenariat avec le Cinéma Le Méliès.
Fabien Gorgeart
Si Fabien Gorgeart a consacré ces vingt dernières années essentiellement au cinéma, le théâtre s’est présenté à lui très régulièrement, dès ses années de formation. Il a travaillé dès la sortie du lycée pour plusieurs compagnies de marionnettistes.
Son parcours en cinéma commence réellement en 2007, quand il réalise son premier court métrage, Comme un chien dans une église (35mm, fiction qui obtient le prix France 2 à Cannes cette année-là). Il réalise ensuite quatre courts métrages entre 2009 et 2016, tous diffusés à la télévision française et primés dans de nombreux festivals internationaux, comme Le sens de l’orientation, prix du jury à Clermont Ferrand en 2013.
En 2013, il rencontre Clotilde Hesme sur un projet de court métrage pour une collection de Canal plus. Il imagine également pour elle le personnage de Diane a les épaules son premier long métrage, qu’il réalise en 2016, produit par Petit Film. Le film sort en salle en novembre 2017 en France, en Belgique, au Canada, en Australie et au Brésil et rencontre un succès critique.
Fabien et Clotilde poursuivent leur collaboration, cette fois accompagnés de Pascal Sangla, pour le spectacle Stallone d’après l’œuvre d’Emmanuèle Bernheim, première mise en scène de Fabien créée au Théâtre Sorano à Toulouse en septembre 2019. Le projet est présenté dans la foulée au CENTQUATRE-PARIS dans le cadre du Festival d’Automne. Véritable succès public et critique, il joue plus de 150 fois en France et à l’étranger jusqu’en septembre 2022. Pascal Sangla est nominé pour le Molière du Comédien dans un second rôle tandis que Clotilde Hesme obtient le Molière de la Comédienne dans un spectacle de Théâtre public.
Son nouveau long métrage La vraie famille est sorti en février 2022. Nominé et multiprimé dans de nombreux festivals en France et à l’étranger, La vraie famille reçoit entre autres le Valois du Jury au Festival du Film Francophone d’Angoulême.
En septembre 2022, il met en scène au Studio de la Comédie-Française Rien ne s’oppose à la nuit, le roman de Delphine de Vigan. C’est la première collaboration entre Fabien Gorgeart et Delphine de Vigan avant Les Gratitudes.
Note d’intention de Fabien Gorgeart
Quand Delphine de Vigan m’a proposé d’adapter Les Gratitudes, elle m’a confié avoir eu envie de faire de cette matière d’abord une pièce de théâtre. Mais elle n’a pas osé aller au bout de son geste d’écriture et a finalement choisi de l’écrire sous forme de roman.
Il est évident qu’à la lecture du texte, cette tentative est là, comme enfouie dans le roman (que ce soit dans sa construction, l’unité de lieu, le traitement des personnages, et la grande présence du dialogue). Pour autant, et fort de l’expérience de l’adaptation de Stallone, le roman d’Emmanuèle Bernheim qui a été le moteur de ma première mise en scène, je suis convaincu qu’il faut profiter de cette tentative avortée d’écriture théâtrale pour en tirer avantages et partis.
L’écriture de Delphine de Vigan est dynamique. Comme chez Emmanuèle Bernheim, ce sont des « romans vivants » à entendre autant qu’à lire.
Certes il y aura un travail d’adaptation plus important pour Les Gratitudes. Il faudra épurer, se réapproprier, préciser certaines des thématiques mais dans l’ensemble la base du texte qui sera joué sur scène par les comédiens, que ce soit les parties dialoguées ou narrées, sera d’abord puisée dans le roman tel qu’il est écrit.
Les personnages de Marie et Jérôme seront donc tout autant dans un récit distancié que dans le pur présent de leur échange avec Michka. Ils pourront par exemple, dans un échange avec Michka nous donner à entendre les didascalies. Michka, elle, sera le seul personnage non en charge de la narration. La parole de Michka ne sera qu’une adresse directe aux autres personnages. Car c’est le trajet de dislocation de cette adresse qui constituera un des enjeux du spectacle.
Récit de la Réparation / mise en scène de la Déconstruction
Les Gratitudes est d’abord un récit solide et émouvant sur la réparation. Que doit-t-on réparer avant de disparaître ? À qui doit-on dire merci avant de mourir ?
Un propos qui peut paraître simpliste s’il n’était pas contrebalancé par une autre dynamique qui hante tout le roman et qui justifie, pour moi, sa mise en spectacle :
Les Gratitudes sera avant tout une expérience de la déconstruction du langage, de la perte du rapport à l’autre qui en découle. Cela aura pour conséquence « spectaculaire » de troubler notre rapport au réel et la perception de ce qu’on le voit. Il s’agira de déconstruire le sentiment du temps présent du récit. Est-ce que tout ce qu’on voit est en train de réellement arriver ou n’est plus à la fin qu’une projection de l’esprit de Michka qui s’éteint ?
Formellement esthétique, le spectacle essaiera donc de donner narrativement la sensation qu’il est une forme de cauchemar éveillé. En cherchant à incarner cette idée au travers de moyens modestes en scénographie et en s’appuyant surtout sur un travail de direction d’acteurs et d’actrices, d’univers sonore et de création lumière.
Quand nous nous sommes rencontrés avec Catherine Hiegel, il est évident que c’est sur cette question de perte du langage que nous avons trouvé notre excitation commune à porter ce récit à la scène. Travailler sur la perte du langage c’est toucher du doigt la plus grande frayeur que cela peut être pour une comédienne / un comédien.
La perte du langage : de sa réalité à son cauchemar
Il s’agira surtout de rendre compte précisément, de manière documentée de ce qu’est l’aphasie dont est atteinte le personnage de Michka. En donnant à ressentir le vertige de ce que cela peut être pour quelqu’un de ne plus avoir accès à ses mots, et de perdre son lien avec les autres. Plus nous serons précis moins cette question de l’aphasie aura l’air d’être un simple effet poétique. Pour autant à travers cette précision nous ne refuserons pas une forme d’humour par l’absurde que cela génère de fait.
Nous allons donc greffer au spectacle de réels travaux de recherches autour de l’aphasie – des passages seront inspirés de films institutionnels sur l’aphasie et de rencontre avec des professionnels de la santé. Concrètement et par rapport au roman, les séances de travail du personnage de Jérôme, l’orthophoniste, seront plus amples et documentées.
Nous irons aussi explorer certaines des recherches qui ont été faites pour lutter contre la perte du langage chez l’être humain en musicothérapie. Des expériences montrent que des patients ayant subi un accident vasculaire cérébral retrouvent la parole en chantant ce qu’ils ne peuvent plus dire.
C’est une piste, mais je souhaiterais pouvoir rendre ce phénomène palpable dans la pièce. On pourrait imaginer par exemple, que plus Michka perd son langage, plus ces expériences de musicothérapie troubleront notre perception des échanges entre les personnages. Imperceptiblement, il sera difficile de savoir s’ils sont chantés ou parlés.
Cette idée thérapeutique, c’est-à-dire retenir le langage par le chant, concrétisera d’une certaine manière ce sentiment que nous quittons le réel. Un sentiment d’irréalité gagnera le spectacle. L’idée du lâcher prise avec le réel est une idée qui dictera la dramaturgie.
Depuis ma première lecture, je n’ai eu de cesse de voir dans les échanges et la relation entre Marie et Michka un rapprochement avec l’une des madeleines de Proust de mon enfance, le dessin animé de René Laloux, coécrit par Moebius, Les Maîtres du temps.
Un dessin animé que je n’avais pas vraiment compris à l’âge où je l’ai découvert et je ne sais toujours pas aujourd’hui s’il m’a vraiment plu ou juste traumatisé. En tout cas, il porte en lui une grande charge mélancolique. Et surtout une idée très belle que je raccorde avec le roman : celle où le temps présent et le passé se mélangent à tel point qu’il n’est plus possible de les distinguer.
Résumé des Maîtres du temps (1982) :
Dans un univers de science-fiction, très marqué par l’esthétique de Moebius, nous suivons l’histoire d’un petit garçon perdu sur une planète qui, à l’aide de l’émetteur, confié par son père avant de mourir, va entrer en communication avec l’équipage d’un vaisseau spatial dont on finira par comprendre que par un jeu de faille spatio-temporelle cette communication se fait à 60 ans d’écart et que l’un des membres de l’équipe n’est autre que le petit garçon qui est maintenant un vieil homme. Le vieil homme qui comprend qu’il se parle à lui-même va en mourir.
Perdre son rapport au réel, au langage, c’est aussi dans le roman l’endroit où la mémoire et le passé ressurgissent. Je crois qu’il faut, à travers le personnage de Marie et ses échanges avec Michka, flirter avec cette idée. C’est au travers du personnage de Marie que nous chercherons à incarner cela : un coup de théâtre spatio-temporel. À ce stade, ce n’est évidemment qu’une intuition, que nous vérifierons dans des étapes de recherche, mais nous allons travailler le personnage de Marie comme si elle était une possible projection de Michka plus jeune. Sans jamais l’affirmer, il s’agira de créer un doute avec ça. Cette idée, enfouie dans le roman, sera un peu plus franche dans l’adaptation en mise en scène, toujours pour troubler notre rapport à la réalité d’un récit au présent. Est-ce que Jérôme et Marie, qui sont pourtant les narrateurs avérés du récit, ne sont pas les fruits de l’imagination de Michka ? Dans le roman, l’histoire de Michka est liée avec celle des enfants juifs cachés pendant la Seconde Guerre Mondiale, le « merci » que Michka n’a jamais pu dire, celui qu’elle doit aux personnes qui lui ont sauvé la vie. L’idée essentielle est, qu’au travers de Michka, la petite et la grande histoire entrent en collision, comme si l’aphasie était autant le trauma d’un individu que celui d’un trauma collectif. Cette notion, il faut la défendre, l’explorer mais aussi la préciser. Si dans le roman, le traitement de cette notion pourrait donner l’impression qu’elle est d’abord un outil narratif, nous essayerons dans le spectacle d’en faire une « idée force », véritable ressort scénaristique. A titre d’exemple, je souhaiterais faire du témoignage de Michka une valeur de réel plus qu’une simple clef narrative.
Scénographie
Il ne s’agira pas de reproduire un espace qui ressemblerait de loin ou de près à un EPHAD ou autre institution de soin mais de se rapprocher de l’idée d’un espace mental plus que d’un espace réel. Par contre, il faudra trouver dans quel espace de jeu nous pouvons travailler la sensation d’isolement, de perte de repères spatiaux. Le monde, la vie, les autres s’éloignent de Michka.
Dans Stallone, la scénographie s’organise autour d’un rectangle blanc au sol, d’un micro sur pied et d’une table. La simplicité de ce dispositif me donne envie de partir du même type d’espace de jeu. C’est-à-dire épuré, vide. Mais il sera important d’accentuer la sensation que le « terrain » de jeu est un espace perdu dans le vide. Cet espace, par contre, devra évoluer imperceptiblement.
Redessiner l’espace avec la lumière aura ici toute son importance. Avec Thomas Veyssière qui a signé les lumières de Stallone nous continuerons cette recherche. Mais il se peut qu’il y ait une intervention scénographique qui permette de donner cet effet de mutation spatiale en continu, en perturbant la vision, la sensation que l’on en a. Par exemple, cet espace pourra se rétrécir imperceptiblement tout au long du spectacle : soit en travaillant sur la sensation que le vide, le noir autour sont de plus en plus profonds, immenses, grâce à un cadre de jeu évolutif fait de murs ou d’un plafond bas qui s’écartent ; soit en réussissant à réduire l’espace du personnage. Dans cette deuxième configuration, ce n’est pas le cadre de scène qui change mais l’espace qui délimite la chambre de Michka qui rétrécit ou change de perspectives. Je pense beaucoup au travail des espaces et perspectives des films de David Lynch.
Fabien Gorgeart