Se mouvant entre théâtre, danse et performance, Pascal Rambert
(Clôture de l’amour, octobre 2013 au Théâtre Saragosse) crée des
spectacles à la lisière des genres et des formes, qui produisent parfois
de véritables ovnis scéniques. Memento Mori est de ceux-là, dont la force
visuelle doit beaucoup au travail du scénographe et éclairagiste Yves Godin,
accueilli en mars 2015 pour une série d’installations et de performances –
les soirées Point d’orgue – lors du temps fort Résonance(s).
« On pressent les danseurs, leur souffle, dans les ténèbres savamment
orchestrés d’Yves Godin. Et avec l’aube de l’humanité on commence à
distinguer ces corps, ombres furtives puis halos mouvants, présence
vacillante entre aperçue ou rémanence rétinienne. Qu’a-t-on vraiment vu ?
Imaginé ? Rêvé ? Traces invisibles d’un mouvement qui n’en finit pas… Et
puis la lumière se fait plus persistante et nimbe d’un or éteint des dos,
des fesses et ces fruits qui s’entremêlent, comme sortis d’un tableau du
XVIIe siècle avec corne d’abondance, satyres joufflus et grappes de raisin.
Et soudain la scène explose ou plutôt exulte de ces corps enlacés, de ces
formes épanouies avant que, Memento Mori, tout cela ne disparaisse, les
ultimes sucs léchés doucement puis en vitesse, comme des grands chats qui
vont dormir avant que la nuit ne recommence... Magnifique. »
AGNÈS IZRINE, DANSERCANALHISTORIQUE.COM, MARS 2013.
Se mouvant entre théâtre, danse et performance, Pascal Rambert
(Clôture de l’amour, octobre 2013 au Théâtre Saragosse) crée des
spectacles à la lisière des genres et des formes, qui produisent parfois
de véritables ovnis scéniques. Memento Mori est de ceux-là, dont la force
visuelle doit beaucoup au travail du scénographe et éclairagiste Yves Godin,
accueilli en mars 2015 pour une série d’installations et de performances –
les soirées Point d’orgue – lors du temps fort Résonance(s).
« On pressent les danseurs, leur souffle, dans les ténèbres savamment
orchestrés d’Yves Godin. Et avec l’aube de l’humanité on commence à
distinguer ces corps, ombres furtives puis halos mouvants, présence
vacillante entre aperçue ou rémanence rétinienne. Qu’a-t-on vraiment vu ?
Imaginé ? Rêvé ? Traces invisibles d’un mouvement qui n’en finit pas… Et
puis la lumière se fait plus persistante et nimbe d’un or éteint des dos,
des fesses et ces fruits qui s’entremêlent, comme sortis d’un tableau du
XVIIe siècle avec corne d’abondance, satyres joufflus et grappes de raisin.
Et soudain la scène explose ou plutôt exulte de ces corps enlacés, de ces
formes épanouies avant que, Memento Mori, tout cela ne disparaisse, les
ultimes sucs léchés doucement puis en vitesse, comme des grands chats qui
vont dormir avant que la nuit ne recommence... Magnifique. »
AGNÈS IZRINE, DANSERCANALHISTORIQUE.COM, MARS 2013.
CONCEPTION ET RÉALISATION PASCAL RAMBERT / COLLABORATION ARTISTIQUE, DISPOSITIF SCÉNIQUE, LUMIÈRE YVES GODIN / CRÉATION MUSICALE ALEXANDRE MEYER / INTERPRÉTÉ PAR CINQ PERFORMEURS ELMER BÄCK, RASMUS SLATIS, ANDERS CARLSSON, JAKOB OHRMAN, LORENZO DE ANGELIS / RÉGISSEUR TRISTAN MENGIN / PRODUCTION/DIFFUSION PAULINE ROUSSILLE
CRÉDIT PHOTO MARC DOMAGE
Création le 24 février 2013 au CDC
les hivernales en Avignon, 35ème
édition du festival les hivernales, à
la salle Benoît XII
Production Théâtre de Gennevilliers
Centre Dramatique National
de Création Contemporaine
Coproduction CDC, Les Hivernales
en Avignon.
PASCAL RAMBERT
Pascal Rambert est auteur, metteur en scène, réalisateur et chorégraphe.
Il est directeur depuis 2007 du Théâtre de Gennevilliers (T2G) qu’il a transformé en Centre Dramatique
National de Création Contemporaine, lieu exclusivement consacré aux artistes vivants (théâtre, danse,
opéra, art contemporain, cinéma, philosophie).
Les créations de Pascal Rambert (théâtre, danse) sont présentées internationalement : Europe,
Amérique du Nord, Asie. Ses textes (théâtre, récits, poésie) sont édités en France aux Solitaires
intempestifs mais également traduits, publiés et mis en scène dans de nombreuses langues : anglais,
russe, italien, allemand, japonais, chinois, croate, slovène, polonais, portugais, espagnol, néerlandais.
Ses pièces chorégraphiques sont présentées dans les principaux festivals de danse européens :
Montpellier, Avignon, Utrecht, Berlin, Hambourg ainsi qu’à New York et Tokyo.
Pascal Rambert a mis en scène plusieurs opéras en France et aux États Unis. Il est le réalisateur de
courts métrages sélectionnés et primés aux festivals de Pantin, Locarno, Miami, Paris.
Sa dernière pièce Clôture de l’amour créée au Festival dʼAvignon en 2011 avec Audrey Bonnet et
Stanislas Nordey connait un succès mondial.
Il crée des adaptations de Clôture de l’amour au Théâtre dʼArt de Moscou, à New York, à Zagreb, à
Modène, à Rome et au Piccolo Teatro de Milan, à Tokyo, à Berlin et au Thalia Theater de Hambourg. Une
(micro) histoire économique du monde, dansée - crée au T2G en 2010 - est aussi reprise et adaptée par
Pascal Rambert au Japon, en Allemagne, à New York et Los Angeles.
Il crée son dernier texte Avignon à vie dans la Cour dʼHonneur du Palais des Papes pour le festival
dʼAvignon 2013.
Enfin Pascal Rambert met en scène, en 2014, sa pièce Répétition écrite pour Emmanuelle Béart, Audrey
Bonnet, Stanislas Nordey et Denis Podalydès dans le cadre du Festival dʼAutomne à Paris.
YVES GODIN
Créateur lumière, Yves Godin collabore au début les années 1990 aux projets de nombreux
chorégraphes (Hervé Robbe, Georges Appaix, Fattoumi & Lamoureux), abordant ainsi un vaste champ
d’expérimentations esthétiques. Il travaille ensuite avec plusieurs musiciens, artistes visuels et
chorégraphes (notamment Alain Michard, Kasper Toeplitz, Rachid Ouramdane, Julie Nioche, Emmanuelle
Huynh, Boris Charmatz, Claude Wampler, Christian Sébille, Maria Donata d’Urso, Jennifer Lacey & Nadia
Lauro, Alain Buffard, Vincent Dupont). Sa démarche porte sur l’idée d’une lumière non dépendante de la
danse, de la musique ou du texte mais qui puisse entrer en résonance avec les autres composantes de
l’acte scénique, en travaillant autour de deux axes principaux : la perception de l’espace et du temps, et
le tissage de liens en réseaux, plus ou moins anachroniques avec les autres natures en présence (corps,
sons, pensée, temps).
« Yves Godin et Pascal Rambert plongent le spectateur dans le noir absolu et une expérience sensorielle
hors pair commence. De Memento Mori surgissent ainsi chaque soir les limbes de la création.
Pas sûr que ce serait rendre service au spectateur que de lui dévoiler à l’avance ce qui se passe
exactement sur le plateau de Memento Mori. Lentement, au début, l’obscurité se fait, le passage s’opère
imperceptiblement vers un univers impénétrable, d’où, tout aussi lentement, émergent des sons, des
bruits, des visions, un monde imaginaire et archaïque que le spectateur cherche à identifier. Plongé dans
un noir absolu, total - issues de secours éteintes, salle et scène comme une seule boîte hermétiquement
fermée - ce même spectateur s’évertue longtemps à percevoir les fugitives apparitions, à saisir les
fugaces images, à cerner les bribes de passage qui naissent et s’évanouissent devant ses yeux. Plongé
dans ces profondes ténèbres, il ne sent plus le siège voisin, ne sait plus où se trouve la scène, se perd,
voyage comme en lévitation, et d’un puzzle de visions en mirages commence à faire interprétation.
Bruits glissants, visqueux, chocs de chair, silhouettes opalescentes et traces rétiniennes, le ballet qui se
déploie dans l’obscurité reste longtemps mystérieux, perçu en évanescences suggestives et évocatrices.
Ombres errantes dans les Enfers, peintures pariétales, traversées christiques, chaque imaginaire chargé
de ses archétypes recompose alors à l’envi des tableaux flottants, mourant aussitôt nés, qui placent le
spectateur comme dans un rêve éveillé. Memento Mori - n’oublie pas que tu vas mourir -, c’est la petite
phrase que l’on répétait aux empereurs romains pour leur rappeler la fragilité de leur gloire et la vanité de
tout honneur ici-bas, dans cette existence que borne la mort. En sont nés des tableaux, un genre pictural
crânes, fruits, miroirs entremêlés -, ces natures mortes qui rappellent inlassablement qu’ici tout est
vanité. Yves Godin, créateur lumière, et Pascal Rambert ont bien sûr conçu ce spectacle autour de la
mort, mais aussi comme une ode à la vie. Aux puissances chtoniennes s’opposent en effet dans
Memento Mori la fragilité humaine, la joie du jouir, la dionysiaque création. A l’obscurité du néant qui
recouvrira le monde in fine répondent les lumières de l’art et du plaisir. […] Le dispositif imaginé par le
duo convie véritablement à une expérience sensorielle sans équivalent. Presque trivialement, une
expérience à vivre avant de mourir. »
Éric Demey, La Terrasse, Décembre 2013
« Memento Mori nʼa pas de sujet sinon le mouvement lui-même. Ou encore si possible avant le
mouvement lui-même. Je veux dire encore avant. Au tout début. Avant que ça bouge. Avant que ça
apparaisse. On pourrait imaginer ça : avant le mouvement. Avant même qu’on voit quoi que ce soit. On
écouterait. On entendrait bien que ça gronde que ça arrive de loin et ça arriverait : nus. On imaginerait
tout ce qu’on a en soi : toutes ces images qu’on porte en soi, qui nous appartiennent, mais qui
appartiennent en fait déjà au haut Aurignacien encore avant ? À un monde prélapsaire. Nu. Avant la
chute. Avant la faute. Est-ce que ça danse les images sur les grottes ? Est-ce que ça danse les mains sur
les grottes ? Oui. Avec la lumière ça danse. Un mouvement physique cʼest une matière qui passe dʼune
forme à une autre, non ?
La lumière en général permet ce passage donc. Là aussi : quand elle rentre dans la grotte. Dans la grotte
obscure de la tête oui. Jusqu’à des formes primaires de joies. Dʼépanouissements. De purs
éblouissements. Où sortent et sʼadjoignent aux corps : fruits ! Grappes ! Raisins ! Bananes ! Tomates !
Jardin ! Dionysos partout quoi. Avant pour suivre une forme de terreur. Un moment de pur effroi d’être en
vie. Ou de la perdre. Avant de se lécher. Lécher. Tous. Nettoyer tout. Et se lécher. Lécher. Lécher. Lécher.
Nettoyer. Nettoyer la vie. Nettoyer nos images. »
Pascal Rambert